11 sept. 2007

Mon Paris Brest Paris


MON PARIS BREST PARIS 2007 ? 1235 km d’anthologie !

Il est 20H00 le 20 août, les 7 mercenaires, Joël, Dédé, Ned, Jojo, Jean Yves, Philippe et Bébert sont là, leurs fidèles accompagnateurs Josiane et Michel sont là aussi, dans l’attente du départ du 16° Paris Brest Paris qui va avoir lieu dans quelques minutes.
C’est mon troisième Paris Brest Paris, l’effet est toujours le même, j’ai l’impression d’être léger, je suis lucide, je suis calme, je suis bien préparé, j’irai au bout sans aucun doute.
Le silence gagne progressivement les rangs des 500 premiers cyclos qui vont être lâchés… Le speaker égrène les dernières secondes,10…5,4,3,2,1,000000 c’est parti sous les applaudissements d’une foule énorme de spectateurs et accompagnateurs.
Le peloton s’élance au son de la musique bretonne, il s’étire au fil des carrefours que nous franchissons, l’allure est très rapide. Jean Yves et Philippe sont déjà loin devant, Ned a disparu, les autres sont restés groupés tant bien que mal, je suis à fond, tant pis.
Nous traversons la communauté urbaine de St Quentin comme des flèches, nous sommes bientôt dans les bois, çà monte, çà descend, tout le temps. Puis ce sont des grandes routes plus plates qui traversent des immensités agricoles, les points rouges des feux arrières des premiers sont visibles à plusieurs kilomètres devant nous.
Grosse galère pour tenir le rythme, nous sommes à 30 km/h, j’ai les jambes en feu en arrivant à Mortagne au Perche, mes compagnons semblent avoir mieux négocié cette première étape de 140 km, nous retrouvons Josiane et Michel, ravito, Ned réapparait, il avait crevé, ouf.
Il fait mauvais, le vent souffle, quelques crampes plus tard nous repartons vers Villaines la Juhel. Le parcours se durcit et les dénivelées sont importantes, le rythme a nettement baissé, je me refais doucement mais c’est encore compliqué pour rester dans le groupe. Les italiens n’arrêtent pas de gueuler, « Fabricio », « Francisco », « Ricardo », ras le bolo… Dédé crève, Ned disparaît avec les italos, nous réparons, puis nous repartons seuls. Nous sommes habillés comme en novembre, cuissard long, t.shirt, maillot manches longues, goretex, la chasuble réfléchissante par dessus, il fait trop chaud. Vivement que le jour vienne. Ravito à Villaines, ou nous pointons pour la première fois. Les badges de pointage électroniques fonctionnent pour tout le monde. Cela va permettre à notre fan-club de nous suivre sur internet. Il est environ 5H30 du matin le 21, nous perdons du temps sur le timing envisagé. Je m’enduis les cuisses d’huile de massage à l’arnica, merci Dédé.
La route ne fait pas de cadeau pour rejoindre Fougères, Le Ribay, Charchigne, Lassay, Ambrières, dur dur mais il fait jour, des spectateurs nous encouragent au bord des routes, c’est formidable, de plus, le vent est toujours présent mais pas la pluie. L’huile à l’arnica c’est efficace, je retrouve des jambes en approchant de ma ville natale, nous roulons bien, l’arrivée à Fougères est facile et bien fléchée, nous avons passé le cap des 300 km, il est 10H00, nos fidèles accompagnateurs font des merveilles aux ravitos, tout est là, le casse croûte, le café, la soupe, c’est à croire qu’ils ont fait çà toute leur vie. Le départ de Fougères emprunte des routes pentues et humides, j’ai une pensée pour nous en descendant la côte du « moulin aux pauvres » à 13% qu’il faudra remonter au retour.
Direction Tinténiac donc, cette partie du parcours est assez paisible mais la pluie se joint à nous, les spectateurs nous encouragent au bord des routes, de plus en plus, ils ont bien senti la difficulté liée aux conditions climatiques, ils veulent nous soutenir. C’est génial, « 40 km de plat ! » nous crie l’un d’eux, ce n’est pas tout à fait vrai, mais ça nous aide. Tinténiac approche et notre premier repas aussi avec une bonne pause, Ouais… Nous pointons, puis direction le réfectoire. La bouffe n’est pas terrible, il faudra s’en contenter, repartir le ventre plein est indispensable. L’étape suivante nous permettra de rejoindre Loudéac.
Cette étape est la plus terrible de toutes, rien que la sortie de Tinténiac pour aller jusqu’à Bécherel, pfiouuuu. Les dénivelées sont importantes, Albert est aérien, Joël et Ned volent derrière, Dédé et moi montons plus raisonnablement, finalement tout le monde arrivera à Loudéac groupé, les plus rapides attendant les plus lents. Nous prenons toujours du retard, le problème du sommeil commence à se poser, nous ne pourrons pas dormir à Brest, ce sera à Carhaix, Ville de la prochaine étape. Pointage et ravito à Loudéac, la fatigue commence sérieusement à se faire sentir, il est 18H30.
Après Loudéac, les difficultés continuent, pour passer St Martin des prés, çà grimpe bien. Nous sommes à la tête d’un petit peloton quand tout à coup apparaissent des silhouettes connues. Nos copains rospordinois sont venus nous encourager en voiture, Aimé, Jean Claude, Dédé, puis Rémy et Marie Lou… et d’autres dont je ne me souviens plus, musique à fond dans la bagnole, applaudissements, photos par la portière, la totale, leur présence nous a littéralement déchaînés. Nous arrivons gonflés à bloc à Carhaix ou nous attend le fan club le plus puissant que nous ayons vu, par le nombre et par la voix, épouses, amis, cyclos, marcheurs, accompagnateurs font un brouhaha incroyable à notre arrivée, super. Il est 22H00, après pointage, embrassades et congratulations de tout ce monde, nous mangeons en leur compagnie, ça réchauffe le cœur. Un seul mot pour vous tous : MERCI. Bon, on a perdu encore du temps mais tant pis, il faut dormir. Après la douche, c’est parti pour 3 heures de sommeil dans le camping car de Henri. Nous repartons à 4H00 du matin en direction de Brest.
Pour aller à Brest, il faut passer Huelgoat et le col de Roc Trévézel, la montée n’est pas très dure, mais elle est très longue, nous grimpons avec un gros groupe qui s’est constitué. Après un arrêt pipi pour tout le monde au rond point du col, nous descendons à fond la caisse vers Sizun, vive la dynamo. Nous perdons Dédé et Albert qui l’attend. Petit drame au passage, nous ne nous rendons compte de leur absence que beaucoup plus tard. Nous arrivons à Brest sous un soleil magnifique, si si, c’est vrai. La dernière montée avant pointage n’est pas négligeable, j’ai mal à un tendon du genou. Nous pointons et nous nous restaurons, Albert arrive un peu énervé, nous découvrons (un peu tard) qu’il y a une heure de délai à ne pas dépasser, 8H25, pour Albert c’est bon, pour Dédé, c’est foutu, il pointe hors délai. A partir de Brest, nous allons être poursuivis par le temps. Bonne nouvelle, finalement un délai de 2H00 résorbable en quatre étapes est accordé en raison des mauvaises conditions climatiques. Nous tirons une première conclusion de notre choix de partir avec un délai de 80H00, dans ce cas, il faut impérativement dormir à Brest. Je vais me faire masser le genou, le diagnostic n’est pas bon, tendinite. J’ai mal, je décide de ne pas retarder mes quatre camarades, je leur demande de partir devant, je roulerai donc seul de Brest à l’arrivée.
Je ne vais pas vous raconter le détail des étapes que j’ai réalisées seul. A Carhaix, à Loudéac, à Tinténiac, j’ai songé à abandonner, mais j’ai toujours retrouvé les accompagnateurs et les copains aux ravitos, c’est un peu cela qui m’a permis de continuer. J’ai même fini par rattraper Dédé avant Tinténiac qui, comme Ned, a eu de gros problèmes avec ses cervicales. La protection civile qui assurait les soins a conseillé à Ned de dormir 2H00 à Tinténiac. Nous avalons notre troisième repas avant de nous plonger dans la nuit pour retourner vers Fougères.
Ned dort. Pendant ce temps, je fais la route en compagnie de Patrick Lannezval, un copain de Carhaix et de Dédé qui est mort de fatigue, il ne voit pas bien la route et essaie de se concentrer sur mon éclairage. J’avais le genou en vrac, voilà que je commence à avoir les fesses en feu, la galère continue, j’ai l’impression d’être assis sur un barbecue. Nous arrivons à Fougères bien entamés, à tel point que Dédé oublie de retirer ses pieds de ses pédales et s’écroule dans un bruit de ferraille sur le parking, heureusement sans casse. Albert et Joël partent dormir au moment de notre arrivée. Ce sera 3H30 de sommeil pour eux et 2H30 pour Dédé et moi, c’est court.
Ned arrive à Fougères quand nous finissons de préparer notre départ vers Villaines. Dédé et moi partons ensemble, Dédé roule avec son bandana. « Dédé, tu as oublié ton casque ! » lui dis-je, puis je pars seul vers Villaines, Dédé va chercher son casque, il roulera avec Ned. Albert et Joël sont devant, le parcours est aussi difficile dans ce sens que dans l’autre, ou bien tout est devenu difficile, ma moyenne baisse d’étape en étape, désormais je dois lutter contre mon envie d’arrêter, je dois aller au bout, un point c’est tout. J’arrive à m’intercaler entre mes collègues, c’est très dur pour les cervicales de Ned et Dédé, nous continuons dans la douleur, et finalement j’atteins Villaines. Massage du genou par la protection civile, c’est comme ça depuis Brest, biafine sur les fesses, c’est comme ça depuis Fougères, massage à l’huile à l’arnica, c’est comme ça depuis que je suis passé à Villaines à l’aller. Malgré les douleurs, j’admire les efforts des bénévoles à l’accueil de Villaines et je me régale d’une platée de pâtes à la bolognaise délicieuses. Il reste trois étapes, soit 220 km à rouler, je les ferai coûte que coûte. Naturellement je suis totalement out du timing prévu, mais je suis à l’abri d’un pointage hors délai, comme Ned, Dédé, Albert et Joël du reste, donc ça va. Départ pour Mortagne, je ne sais plus l’heure, je ne suis pas hors délai, c’est cela qui compte.
En démarrant, mon genou semble tourner à l’envers, mon tendon d’Achille crie grâce, mais petit à petit tout se met à peu près à tourner. Je n’avance plus guère, c’est tellement vrai que les cyclos qui me dépassent commencent à m’encourager eux aussi, « vas-y Jojo » », ben oui, Jojo c’est écrit sur ma chasuble rétro réfléchissante. La route est souvent pentue et en mauvais état, je suis secoué dans les patelins que je traverse, c’est de plus en plus douloureux, je suis dingue, je suis dingue… Continue, on n’abandonne pas à 200 km du but, serre les dents et pédale, un kilomètre fait n’est plus à faire, roule ne pense plus qu’à cela, roule. L’arrivée à Mortagne est terrible, une longue bosse, impossible de se mettre en danseuse, c’est le petit plateau, le troisième, celui pour la montagne, que j’utilise la plupart du temps. J’arrive enfin et je me fais masser par une folle du massage. « Je ne vous mets pas d’anti- inflammatoire, ça ne sert qu’à couvrir la douleur » et elle me masse comme une dingue. Tiens, elle est dingue elle aussi ? Josiane et Michel sont toujours là, ils m’aident, je n’ai qu’à demander, l’huile à l’arnica est là, la biafine aussi, les casse croûtes et le café aussi. Un mélange de tout ça, au bon endroit quand même, et c’est reparti tant bien que mal vers Dreux.
La misère cette sortie de Mortagne, la route monte comme pas permis, le tout petit plateau est de service, quelle chance d’en être équipé. La masseuse folle m’a bousillé la cuisse gauche. Je suis entouré de cyclos qui sont un peu dans le même état que moi, peut-être qu’elle les a massés eux aussi ? Il me reste moins de 150 km à rouler, je traverse finalement une plaine géante, avec des routes interminables et la nuit qui tombe. Je mets un temps incroyable pour rejoindre Dreux. La salle est superbe, Josiane m’accueille sur le parking et Michel m’attend à l’intérieur. Il reste 70 bornes, je ne me fais pas masser, je veux gagner un peu de temps et ne pas prendre le risque de tomber à nouveau sur « destructor ». Je suis très fatigué, biafine plus huile à l’arnica feront l’affaire. Je mange rapidement, je repars, Michel et Josiane m’encouragent encore une dernière fois en s’occupant de Dédé et Ned qui se restaurent.
La route vers St Quentin me semble très dure, mauvaise qualité du bitume, côtes, la nuit est noire, soudain, je crève. Je suis seul dans la pampa, j’ai seulement une chambre à air de rechange, il faut que j’examine mon pneu dans le détail pour ne pas crever à nouveau. Ma lampe de secours dans la bouche, je bave en réparant, je suis lent, personne ne s’arrête, je mets plus d’une demi heure pour réparer. Quelques kilomètres plus loin, je pense tout à coup que j’ai un éclairage fixé sur mon casque, je ne l’ai pas allumé pour réparer, quel con, je souffre mais je rigole quand même en pensant à mon bavement avec mon éclairage de secours dans la bouche. Les lumières de la Communauté urbaine de St Quentin sont interminables, les flèches sont rares, il ne faut pas que je me perde. Le rond point du gymnase des Droits de l’Homme est là, je me redresse, je dois être présentable pour en faire le tour, il y a plein de gens, on m’applaudit, j’ai la larme à l’œil quand je passe la ligne, j’ai fini et je suis heureux.
Finalement, je suis lourd, épuisé, j’ai le cul posé dans la braise et la jambe gauche détruite, je vais pointer, les copains sont là, putain, ils sont super les copains !
Il est 2H33 le 24 août, j’ai mis 78H33 pour réaliser mon troisième et plus dur Paris Brest Paris, soit 10H de plus que prévu. Je suis très heureux d’être arrivé au bout, d’autant que les 7 mercenaires, avec des fortunes et infortunes diverses ont tous terminé leur périple dans les délais. Un grand merci à tous ceux qui nous ont accompagné, Josiane, Michel et Henri, à tous ceux qui nous ont encouragé à Carhaix, à tous ceux qui se sont intéressé à notre périple en nous suivant sur internet.

Rendez-vous avec le Paris Brest Paris en 2011.

JOJO

Le 29 août 2007